-Une présentation des sorties en VHS d'octobre 1996 chez Touchstone home video, avec les films Prêt à porter de Robert Altman, Terminal velocity, Quiz show de Robert Redford, Jeux d'adultes, Arachnophobie, Étroite surveillance, Indiscrétion assurée, Un père en cavale, et Ed Wood de Tim Burton.
-Une bande-annonce alternative d'USS Alabama de Tony Scott, avec Denzel Washington et Gene Hackman (c'est une bande-annonce pour la sortie vidéo, qui diffère de la bande-annonce cinéma déjà trouvable en VF sur Youtube).
J'ai récupéré un lot d'une centaine de VHS récemment, et parmi elles, un titre a attiré mon attention : Obsession nasale.
Je préfère ne pas voir le film, car cela gâcherait probablement la perfection de ce titre. Mais j'ai quand même numérisé la cassette, et les bandes-annonces en même temps.
Vous trouverez ci-dessous :
- Madame Doubtfire (1993), comédie de Chris Colombus avec Robin Williams, Sally Field et Pierce Brosnan.
-Ghost in the machine : Le tueur du futur (1993), film de science-fiction avec Karen Allen et Jessica Walter.
-Open fire : Feu à volonté (1994), film d'action avec Jeff Wincott et Patrick Kilpatrick.
-Les ombres du coeur (1993), drame romantique réalisé par Richard Attenborough, avec Anthony Hopkins et Debra Winger.
Starship troopers est un roman de Robert Heinlein
paru en 1959 (et sorti bien plus tard en France, en 1974, sous le titre Étoiles, garde-à-vous !) ; son
adaptation réalisée par Paul Verhoeven est sortie en 1997.
Vous le
savez sûrement déjà, le film a été incompris à sa sortie par certaines
critiques, prenant au sérieux ce que le cinéaste voulait pourtant moquer :
une idéologie fasciste et militariste, avec des personnages qui, pour certains,
ont carrément des uniformes inspirés de ceux des nazis !
Encore aujourd’hui,
l’aspect satirique du film semble être une révélation pour certains (il suffit
pour le constater de voir certains articles récents sur des sites américains ou des
commentaires sous des vidéos Youtube), tandis que d’autres personnes, penchant très à droite, persistent à vouloir prendre au pied de la lettre ce que
Verhoeven tournait en dérision.
Le roman,
par contre, a la réputation d’être, lui, réellement fasciste et beaucoup plus premier
degré ; Verhoeven lui-même racontait ne pas avoir lu plus de deux chapitres, trouvant le livre ennuyeux et trop de droite. C’est son scénariste
Ed Neumeier qui lui a raconté le reste, et le duo a travaillé sur le film en
essayant autant que possible de s’éloigner de l’aspect militariste du livre.
N’étant
personnellement pas friand du film (eh oui, désolé de vous décevoir), je me
suis forcé à lire le livre par curiosité et par esprit de complétion. Je ne
pensais d’ailleurs pas écrire à son sujet, mais il y a finalement beaucoup
à dire.
Le roman
et le film diffèrent énormément, même si leur structure narrative est similaire :
dans les deux cas, ça débute en plein combat, avant de nous ramener au moment
où les personnages terminent leurs études, obtiennent leurs diplômes, et
décident de s’engager dans l’armée, après quoi on suit leur entraînement puis
leurs combats sur d’autres planètes.
Malgré
les points communs d’ensemble, c’est dans le particulier que les différences
entre les deux œuvres s’accumulent.
Si dans
le film les personnages ont des tenues militaires, des protections, et des
armes relativement simples, qui sont proches de l’équipement contemporain tout en
ayant un look un peu plus futuriste, on apprend d’emblée dans le roman que les
soldats combattent dans des scaphandres qui leur permettent de sauter très
haut, se déplacer très vite, résister à la chaleur, communiquer avec les
autres, et ils sont équipés d’armes plus sophistiquées, dont des lance-flammes et
des lance-missiles.
Leurs
ennemis sont un peu plus variés que dans le film : il y a des créatures à
l’aspect squelettique, et toujours des insectes géants, mais capables
d’utiliser des armes à feu et de piloter des vaisseaux ! Les humains sont
donc conscients de leur intelligence, contrairement à certains personnages du
film (ce qui permet d’avancer un propos sur la déshumanisation de l’ennemi pour
se débarrasser de tout scrupule quant à son élimination).
Tandis
qu’une bonne partie du film repose sur des séquences d’action, le roman passe très
peu de temps à nous raconter les combats ; sa démarche est avant tout de
nous décrire le fonctionnement d’une armée du futur, dans ses moindres détails.
Heinlein
s’attarde beaucoup plus longtemps sur l’entraînement militaire ; le roman
dans son édition française fait 315 pages, et ce n’est que vers la moitié
qu’on quitte enfin le camp d’entraînement.
Mais même
une fois que la guerre a démarré et qu’on a le premier combat, le livre
continue à décrire le quotidien des soldats, à parler de la hiérarchie, de la
discipline, …
Puis on
passe à un autre lieu, à bord d’un nouveau vaisseau ou à l’école d’officiers
par exemple, et on nous raconte ce qui se passe quand les soldats ne sont pas
au combat, leurs exercices, les cours, les repos, les permissions, le
protocole, la répartition des personnes dans le vaisseau, … C’est très fastidieux
et ennuyeux.
Et surtout
on se rend compte à plusieurs reprises que l’auteur prend plaisir à décrire ce
qui serait, pour lui, l’armée idéale, puisqu’il passe de nombreuses pages à
expliquer en quoi celle-ci est mieux organisée que l’armée du 20ème
siècle !
Je dois
dire qu’idéologiquement, avant de lire le roman, je m’attendais à pire, mais
mon avis a fluctué à plusieurs reprises, parce que sur certains points,
Heinlein est plus raisonnable et mesuré que ce que je craignais, et sur
d’autres il adopte des points de vue beaucoup plus gênants.
Déjà,
contrairement au film où les soldats tirent sur tout ce qui bouge et qui ne
ressemble pas à un être humain, les soldats du roman s’abstiennent de tuer
quand ce n’est pas nécessaire, en distinguant notamment les ouvrières et les
soldats parmi les Punaises.
Dans le
film, la scène où un des soldats se prend un couteau dans la main a un effet
comique et sert à montrer dans des proportions absurdes le caractère
impitoyable de son supérieur ; dans le livre, la scène prend une toute
autre direction, puisque l’instructeur se sert de ça comme point de départ pour
un discours en faveur d’un "usage mesuré et contrôlé de la
violence" : pourquoi utiliser des armes à feu ou des bombes
nucléaires pour tuer son ennemi, si ce n’est pas nécessaire, et s’il
suffit de le désarmer avec un lancer de couteau ?
Là-dessus,
Heinlein est moins radical que ce que j’imaginais, mais d’un autre côté, il
nous dépeint quand même une armée qui forme ses soldats et les endurcit en
passant par des châtiments corporels extrêmes ou en les laissant carrément
mourir.
Heinlein
a beau présenter un futur dont les usages sont parfois extrêmes, il ne semble
pas en être critique, contrairement à Verhoeven (notamment dans la scène du
couteau, que je mentionnais).
J’ai lu
certaines personnes défendre Heinlein en émettant la supposition que l’auteur
cherchait à montrer l’endoctrinement de son héros par l’armée. Mais à part pour
véhiculer sa propre pensée, je ne vois pas pourquoi Heinlein consacrerait
autant de pages, tout au long de son livre, à laisser des personnages justifier
la discipline, les châtiments corporels, la rigueur, même dans des proportions
absurdes (on parle du droit de tuer un soldat s’il fait preuve de couardise
face à l’ennemi, et on ordonne arbitrairement à un soldat durant l'entraînement de rester sur place sans bouger même s'il doit en mourir).
Les
personnages, aussi bien à l'école que durant leur service militaire, suivent régulièrement des cours d’histoire et
de philosophie, où on leur explique notamment pourquoi leur gouvernement est
plus efficace que tous ceux qui ont existé dans le passé, parce que le droit de
vote a été accordé uniquement aux citoyens, à savoir d’anciens militaires qui
ont prouvé qu’ils plaçaient l’intérêt du groupe au-dessus de l’intérêt
personnel.
On
pourrait sans mal contrer ces idées avec d’autres arguments, mais je doute que
ça soit voulu de la part de l’auteur.
Dans le
film, on n’a droit qu’une seule séquence où un professeur véhicule ce genre de
pensée à ses étudiants, et on y montre surtout l’absurdité d’un personnage
belliqueux, dont les réflexions reposent sur des sophismes.
Le plus
perturbant est assurément tout ce chapitre où le héros déroule sa pensée
pour justifier la peine de mort, tout en critiquant le laxisme de la justice du
20ème siècle. Un chapitre qui ne sert à rien
d’autre qu’arguer que pour certains criminels, la réhabilitation n’est pas
possible, et qu’il vaut mieux les tuer.
Même si
le héros ne formule jamais clairement sa pensée ainsi, en ne terminant pas tout
à fait une de ses phrases, c’est ce qu’il veut nous amener à comprendre.
C’est
d’autant plus vicieux que Robert Heinlein fait parler son personnage depuis le
futur, depuis une position où il sait comment les choses se sont passées à
notre époque, et peut donc juger que la sienne est meilleure, surtout que
dans ce récit fictif, l’auteur
a décidé que le laxisme de la justice était ce qui avait causé
"l’éclatement de la république d’Amérique du Nord" au 20ème
siècle.
Je me
demande ce qui a lancé le projet d’adaptation en film, presque 40 ans après la
sortie du roman. Visiblement, ce n’était pas une idée de Verhoeven, et sa
démarche d’aller à contre-courant du livre ne s’est faite qu'après qu’on lui ait
proposé le projet, je suppose. Il racontait lors d’une masterclass à la
Cinémathèque que personne, parmi les dirigeants du studio, ne se préoccupait
du tournage pendant qu’il était en cours, et ils ont découvert après avec surprise
toutes ces allusions au nazisme dans les décors et les costumes.
En lisant
le roman, on se rend compte que pleins de ses éléments ont été repris par le
film pour en faire totalement autre chose.
Il y a
notamment la scène où Rico et ses amis arrivent au centre de recrutement et
sont accueillis par un infirme ; dans le film, l’image contraste de manière
superbement ironique avec le propos ("L’infanterie a fait de moi
l’homme que je suis"), tandis que dans le roman, le recruteur est là pour
dissuader les candidats qui ne sont pas assez sûrs d’eux, et il s’avère que son
apparence n’était qu’une ruse, car en civil il a des prothèses motorisées qu'il ne porte pas lorsqu'il reçoit les postulants.
Le film
reprend également la première citation du livre, attribuée à un soldat de la 1ère
guerre mondiale : "En avant, tas de babouins ! Vous vous croyez
immortels ?". Sauf que dans le film, cette réplique est transmise du
personnage de Rasczak à celui de Rico, pour montrer que l’endoctrinement a
marché, et qu’un cycle se perpétue, où un soldat décédé est remplacé par un
autre, et ainsi de suite.
L’idée
que les soldats montent en grade très rapidement grâce aux décès dans les rangs
est déjà présente dans le roman, mais ce n’est pas présenté de manière critique
ou cynique ; l’auteur en profite plus pour appuyer sur les responsabilités
qui incombent aux personnages.
Une
différence notable c’est que le protagoniste s’appelle Johnny Rico dans le
film, mais Juan Rico dans le livre, car il est Philippin, ce qui est très
surprenant pour un livre des années 50, d’autant plus que ses origines ne sont
jamais prises en considération, de manière négative ou positive, à part au moment où on les apprend.
Pour les
autres personnages, leurs noms sont repris dans le film, mais ils sont très
loin d’avoir la même place. Dans le roman, Dizzy par exemple n’est pas une femme mais un
homme, qui meurt au début, et n'est pas un personnage important ; et on ne suit nullement les destins croisés de
plusieurs personnages, ce qui est vraisemblablement une idée qui nous vient de
Verhoeven, puisqu'il assimile le schéma de Starship
troopers à celui de son film Hollandais Soldier of Orange.
Chez
Heinlein, la guerre débute bien avec la destruction de Buenos Aires, mais
contrairement au film, ce n’est pas la ville d’où vient Juan, et seule sa mère
y meurt (son père survit), chose qu’on n’apprend que bien plus tard, donc ce n’est pas décisif
quant au fait qu’il reste dans l’infanterie. Il n’y a pas de moment précis
d’ailleurs où Juan décide de rester, ça se fait progressivement ; il s’y
fait, lui qui s’engageait pour suivre un de ses amis (comme dans le film). Et
alors qu’il voulait devenir citoyen pour avoir le droit de vote et un certain
prestige, il finit par se plaire dans l’armée et vouloir y faire carrière.
Par
contre, la mort de la mère de Juan, et la décision de celui-ci de s’engager,
sont ce qui poussent le père à rejoindre l’infanterie lui aussi ! Et il
s’avère fier de son fils, alors qu’il ne voulait pas qu’il s’engage au
début de l'histoire ! Car on découvre en fait que le père rêvait secrètement de
s’engager depuis longtemps !
On dirait
qu’Heinlein cherchait à nous dire que tous ceux qui sont réticents ou opposés à l’armée, même en apparence,
finissent par se joindre à ses partisans.
Globalement,
Heinlein présente l’armée comme une institution formatrice, qui aide des jeunes
comme Rico, qui ne savent pas ce qu’ils vont faire de leur vie, à trouver leur
vocation et un sens des responsabilités ; après tout, l'introduction est dédiée à "tous les adjudants de tous les temps qui ont œuvré pour faire de jeunes garçons des hommes". Tandis que Verhoeven et son
scénariste, à partir de la même base, mettent l’accent sur la naïveté des
jeunes qui s’engagent, leur endoctrinement, et l’absurdité de la guerre.
Je pense
avoir couvert l’ensemble des différences entre les deux œuvres, mais je pense
que pour résumer, on peut dire que le film tourne en dérision tout ce que le livre
présente au premier degré.
(et que
le roman d’Heinlein est soporifique en plus d’être idéologiquement douteux, disons)
On a d'un côté Soeur Benedetta, entre sainte et lesbienne (Immodest acts : The life of a lesbian nun in Renaissance Italy), de Judith C. Brown, publié en 1986.
Et de l'autre, le film Benedetta de Paul Verhoeven, sorti en 2021.
Le livre relate des faits
historiques et recompose ce que l’on sait de la vie de sœur Benedetta Carlini,
à partir de diverses sources.
Et au final, on dispose
d’assez peu d’infos sur elle et on ne connaît que quelques évènements de sa
vie. Mais à chaque bribe d’info, l’auteure passe beaucoup de temps à commenter,
tisser des liens avec les mœurs et les usages religieux de l’époque, avec d’autres
cas similaires, …
Dès l’introduction, le
livre regorge d’éléments très intéressants sur le contexte historique, absents
du film. On apprend que les accusations de manquement à la pureté sexuelle
étaient un moyen répandu pour discréditer des religieuses. Concernant Benedetta,
elle représentait une menace pour l’Église par sa revendication de pouvoirs
mystiques.
Le fait qu’elle ait été
accusée de lesbianisme présentait malgré tout une exception, car à l’époque, en
Europe, il était inconcevable qu’il y ait une attirance et des rapports sexuels
entre femmes. Il était plus fréquent d’accuser des personnes du clergé de
rapports entre hommes et femmes, ou entre hommes.
Le livre présente la vie
de Benedetta Carlini depuis sa naissance, et il y a très tôt des éléments qui,
dans une fiction, relèveraient de l’effet d’annonce, puisque Benedetta a de
suite été placée sous le signe de la religion.
Alors qu’on pensait qu’elle
allait mourir à sa naissance, son père a longuement prié, et s’est persuadé que
c’est ce qui l’a sauvée.
Plus tard, dans son
enfance, pendant 2 années, Benedetta chantait en étant accompagnée d’un
rossignol, qui était perçu comme son ange gardien… un oiseau qui est pourtant
censé être un symbole d’amour charnel ; ce qui semble, évidemment, porteur
de sens quand on connaît les évènements à venir.
Dans le film, toute la
petite enfance de Benedetta est éludée, pour découvrir le personnage lorsqu’il
se rend au couvent, et tout ce qui s’est passé avant est raconté différemment :
le fait que Benedetta a été sauvée à sa naissance est une info qui vient se
placer, avec naturel, dans un dialogue de son père avec l’abbesse du couvent,
et l’idée de l’oiseau comme signe divin est conservé lorsqu’il apparaît lors
d’une attaque de brigands.
Tout ce que le livre nous
apprend sur l’histoire de la ville de Pescia et du couvent des Théatines est
aussi éclipsé du film. Parmi tout ce qui touche aux coutumes religieuses, n’ont
été gardés que des éléments qui servent une démarche propre à Verhoeven :
présenter une vision acide de la société. Du coup, il a gardé dans son film ce
qui a trait à l’aspect pécunier (la dot qui doit accompagner une fille qui
rentre au couvent), et il a rajouté beaucoup de dialogues et de situations qui
développent le thème de l’hypocrisie parmi les religieux.
Étant donné qu’on sait peu
de choses de la vie de Benedetta, on se rend vraiment compte, à partir de
l’entrée au couvent, que le film prend beaucoup de libertés par rapport à la
réalité, et brode énormément.
Voilà une petite liste de
ce qui diffère entre les faits et la fiction :
-Le premier événement
altéré par Verhoeven et son co-scénariste David Birke, c’est la chute de la
statue de la Vierge ; dans le film, elle tombe sur l’héroïne, alors qu’en
réalité, Benedetta a juste assisté à la chute de la statue sans se retrouver
en-dessous.
-Benedetta a bien eu une
vision où elle était attaquée par des animaux, que Jésus a fait partir, mais il
ne s’agissait pas de serpents, auxquels il tranchait la tête avec une
épée ; cette représentation surprenante du Christ est propre au film.
-On ignore quasiment tout
de la relation réelle entre Benedetta et Bartolomea, et comment cette dernière
est arrivée au couvent. Du coup, l’épisode avec la main dans le chaudron par
exemple a été inventé pour le film.
-Il n’y a aucune mention
dans le livre de la précédente abbesse (dont Benedetta a pris la place), ni
d’un conflit avec elle.
-Le livre rationalise
très tôt les visions de Benedetta, comme étant potentiellement le résultat du
jeûne, et le contenu des visions proviendrait de ce qu’elle a lu et entendu ça
et là au couvent, ou en voyant des images religieuses.
Tandis que le film nous
fait douter jusqu’à la fin de la véracité de ces visions.
-De même, dans le livre,
on apprend que plusieurs nonnes ont témoigné (tardivement) contre Benedetta,
l’ayant vu faire semblant de se fouetter, mettre son sang sur une statue du
Christ pour faire croire qu’il saigne, ou raviver avec un instrument les plaies
de ses stigmates.
Alors que dans le film, la
seule nonne qui accuse Benedetta d’avoir créé elle-même ses stigmates n’est pas
présente au moment des faits, de sorte qu’on ne sache pas ce qu’il en est
vraiment.
-Dans le livre, la
préservation du secret de Benedetta est plutôt présenté comme le résultat d’une
crainte, parmi les nonnes, qu’un scandale empêche le couvent d’obtenir son indépendance
et ne cause des troubles financiers. Les nonnes avaient également peur de
Benedetta, du père confesseur, et du prévôt.
Dans le film, le maintien
du secret est avant tout présenté comme une démarche calculatrice de la part du prévôt (avec la complicité de l’abbesse) pour que la réputation de Benedetta
soit bénéfique à celle du couvent, et pour que le prévôt obtienne à terme une
place qu’il convoite.
Les croyant(e)s du 17ème
siècle étaient plus prompts que nous à croire aux manifestations du divin, et
la question qui se posait parmi eux, vis-à-vis des visions de Benedetta, ne
concernait pas leur véracité, mais leur nature : était-elle diabolique ou
céleste ?
Quand on suit le récit des
évènements dans le livre, en ayant notre recul de lecteur contemporain, il nous
semble très probable que Benedetta abusait de la crédulité des croyants autour
d’elle, pour se mettre en avant et se faire passer pour une mystique qui a
obtenu les faveurs de Jésus.
Du coup, l’adaptation
cinématographique avait une difficulté supplémentaire, en ayant quand même à
faire ressentir de l’incertitude au public contemporain, afin qu’il ne rejette
pas d’emblée les visions et les possessions de Benedetta comme étant fausses.
Pour les possessions, il y
a donc l’ajout de cet artifice qui consiste à modifier la voix du personnage
pour la rendre plus rauque, et je trouve ça particulièrement bien fait car on
aurait du mal à dire si sa voix a été altérée artificiellement en post-production
ou non. La voix n’est pas naturelle mais elle n’est pas trafiquée au point de
ne plus être crédible ; il y a un bon équilibre entre les deux qui sème le
doute.
(dans la réalité,
Benedetta prétendait parfois qu’un ange s’incarnait en elle, et adoptait la
voix d’un jeune homme ; je pense que ça aurait été plus compliqué à mettre
en place de manière crédible dans le film)
Les révélations sur le
lesbianisme de l’héroïne et ses rapports avec Bartolomea arrivent aux 3/4 du
livre, et une différence majeure avec le film, c’est que c’est Benedetta, et
non Bartolomea, qui aurait incité sa compagne à commettre des actes impurs avec
elle, et l’aurait piégée en se faisant passer pour Jésus ou un ange qui parlait
à travers elle.
C’était aussi une façon de
se protéger face aux accusations : ce n’est pas Benedetta qui agissait,
elle était possédée.
Dans la réalité,
Bartolomea a confessé les faits sans être torturée, et… désolé, mais il n’y a
pas de gode taillé dans une statuette de la Vierge non plus !
En lisant le livre, on
perçoit Benedetta comme une personne potentiellement manipulatrice, qui utilise
la foi d’autrui pour servir ses propres fins. Le film choisit d’en faire un
personnage plus… ambigu (le terme qui définit tous les personnages de
Verhoeven, quoi), qui croit réellement en Dieu et falsifie les faits en pensant
malgré tout agir au nom de Jésus.
Le fait que, dans le film,
ce soit Bartolomea qui, le plus souvent, aille vers Benedetta pour la séduire,
et non l’inverse, change aussi la posture de l’héroïne par rapport à ses
pêchés ; c’est un personnage qui au début résiste à la luxure, et qui est
tiraillée entre sa foi et le désir charnel.
Pour moi, Paul Verhoeven
et David Birke ont pris des faits réels et s’en sont très librement inspirés
pour présenter des personnages, des thèmes, et une histoire beaucoup plus
intéressants et complexes que la réalité. Ils ont également transposé dans une
structure narrative des éléments et évènements épars évoqués dans le livre, en
rajoutant des enjeux, en étoffant les relations entre les protagonistes, et en
leur ajoutant du caractère.
En revanche, ont été
éclipsés tous les faits et détails qui ajoutent, dans le livre, des niveaux de
complexité et d’interprétation diverses au comportement de Benedetta, mais qui
auraient nécessité des explications détaillées, et trop longues, sur le
contexte historique et les mœurs de l’époque.
Le climax du film est,
quant à lui, inventé de toutes pièces aussi ; en même temps, ça devient un
peu trop grandiloquent pour être tout à fait crédible, même si je suis d’accord
avec Verhoeven quant à la nécessité de donner au film une conclusion plus
excitante que ce qui s’est passé dans la réalité.
Je trouve par contre un
peu plus embêtant le carton de fin, qui explique ce qu’il est advenu de
Benedetta d’une manière que je ne trouve pas assez claire : on y dit qu’elle a
continué de vivre cloîtrée au couvent des Théatines, et qu’elle pouvait
assister à la messe et parfois dîner avec les autres nonnes, mais assise par
terre. Ça ne semble pas contraster énormément avec la vie de réclusion qu’elle menait
déjà au couvent, et le châtiment paraît donc léger ; alors que dans le
livre, on nous dit qu’elle a vécu emprisonnée pendant 35 ans, jusqu’à sa mort,
que personne n’avait le droit de lui parler à part celles qui la gardaient, et
plusieurs fois par semaine elle devait se contenter de pain et d’eau.
Il n’empêche qu’après
avoir lu le livre, j’ai apprécié le film encore un peu plus que la première
fois que je l’avais vu. C’était intéressant de constater l’ampleur du travail
d’adaptation effectué à partir d’une base dépourvue de structure narrative et
autour de laquelle il a fallu inventer énormément, trouver un liant entre les
différents événements et personnages.
Pour ma vidéo sur Showgirls sortie l'an dernier, je m'étais beaucoup renseigné, non seulement sur ce film-là, mais sur l’œuvre de Paul Verhoeven en général, et bien que j'adorais déjà le cinéaste, je me suis pris d'une passion encore plus forte pour sa filmographie. J'ai voulu tout voir, et une fois que j'ai épuisé les films, y compris les courts-métrages, et que j'ai lu les deux livres d'entretien publiés en France (Au jardin des délices et A l’œil nu), j'ai voulu continuer en me mettant à lire tous les livres sur lesquels étaient basés les films de Verhoeven.
J'ai commencé par l'un des derniers, "Oh..." de Philippe Djian, publié en 2012, devenu le film Elle, sorti en 2016.
Je ne suivrai donc pas l'ordre chronologique, mais l'ordre de mes lectures, qui dépendront de mes envies.
En tout cas, les prochains prévus sont Benedetta et Starship troopers.
Par contre je remarque en relisant ce que j'ai écrit sur Elle que ça manquait encore de rigueur, mais les articles suivants seront mieux rédigés.
(Naturellement, il vaut mieux avoir vu le film de Paul Verhoeven avant, pour éviter de se faire spoiler et pour comprendre les situations décrites ci-dessous.)
Ce qui frappe en premier avec le roman, c’est sa narration
particulière. On suit au départ le fil décousu des pensées de Michèle
après son agression, et on ignore pendant un temps de quoi elle parle. Un moyen
efficace de représenter l’intériorité du personnage, qui refoule ce qu’elle a
vécu.
Par contre, tout au long du livre, il n’y a aucun espace
entre les paragraphes, et en allant à la ligne, on passe parfois d’un événement
à un autre totalement différent, en un autre lieu, sans qu’on se soit rendu
compte qu’il y avait une ellipse. C’est très troublant, et avoir vu le film
aide parfois à comprendre certaines phrases et situations peu claires.
A l’écrit, certaines répliques paraissent absurdes et
tombent beaucoup plus comme un cheveu sur la soupe (déjà qu’au premier
visionnage du film, ça m’avait dérangé), surtout qu’on n’a souvent que de
petits bouts de dialogues, où il arrive que quelqu’un pose une question sans
que l’interlocuteur ne réponde (soit parce qu’il ne répond pas, soit parce que
c’est ellipsé, je ne sais pas, mais ça fait bizarre).
Il y a des scènes qui auraient été ridicules si elles
avaient été filmées telles qu’elles sont écrites, comme lorsque Patrick (le
voisin) prend la fuite en poussant un gémissement, lorsqu’il a un moment de
proximité avec Michèle !
Puisqu’on suit les pensées de l’héroïne dans le roman, ses
sentiments et ses rapports avec les autres personnages sont beaucoup plus
clairs.
Le livre explicite aussi ce qui n’est présent qu’en creux
dans le film : pourquoi Michèle ne porte pas plainte (à savoir qu’elle veut
rester maîtresse de sa vie, éviter de donner de l'importance à ce drame, notamment
pour ne pas que ça entrave son travail).
Il n’y a aussi, contrairement au film, aucune ambiguïté au bout d’un moment sur la
relation entre Patrick et Michèle : elle est attirée par lui quand elle ignore encore que
c’est son agresseur, et ce qu’elle ressent persiste, malgré elle, quand elle
découvre la vérité.
Elle s’engage alors, sans équivoque, dans une relation avec
lui, en organisant leurs rencontres, et en mettant à chaque fois en scène leurs
rapports, comme s’il s’agissait d’une agression, sans quoi il ne peut être
excité !
Et là je me rends compte que, comment souvent avec
Verhoeven, c’est l’ambiguïté dans son film qui le rend intéressant. Le fait de
ne pas savoir ce que ressent Michèle, si elle agit sciemment, si à la toute fin
elle est soulagée ou déçue ou les deux, ...
Le film retire d’ailleurs certaines répliques trop directes,
et fait sentir par des actions ou le jeu des acteurs ce qui est exprimé plus
clairement sur le papier.
Et en même temps, l’adaptation "complète" en
quelque sorte les dialogues dont on n’a que des bribes dans le roman.
L’épisode de "Faites entrer l’accusé" sur le père
de Michèle est un des moyens trouvés par Verhoeven et son scénariste David
Birke pour expliquer le passé de l’héroïne, raconté en pensées dans le roman.
Parmi les principales différences avec le film, on peut
noter que :
-Michèle tient une boîte de production ciné, et non une
société de jeux vidéo.
-Il n’y a aucune fausse piste sur l’identité de l’agresseur,
Michèle ne cherche même pas à enquêter un minimum.
-Patrick est introduit bien plus tard ; au départ il
n’est qu’un voisin anonyme qui fait signe de la main, et sa femme est quasiment
absente du roman.
-Vincent (le fils de Michèle) sait qu’il n’est pas le père
du bébé de Josie, même s’il insiste pour être considéré comme tel.
Le film rajoute plusieurs détails qui donnent à Michèle une
part d’ombre beaucoup plus marquée : l’achat de la hachette, le club de
tir, le chantage et l’espionnage de ses employés, la voiture de son ex qu’elle
emboutit, …
Il y a aussi chez Michèle cette dualité chère à Verhoeven
dans le film, puisqu’on y laisse entendre que l’héroïne a peut-être été
complice de son père, le meurtrier, et il y a cette scène qui nous fait nous
demander si elle n’a pas fait exprès de glisser un pic en bois dans le
petit-four mangé par Hélène.
En écrivant tout ça, je me rends davantage compte comme le
film est beaucoup plus intéressant et riche que le roman, qui m’a un peu ennuyé
à force, avec tous ces allers-retours entre Michèle et Patrick, et ces passages
d’une intrigue à l’autre.
Je trouvais difficile de s’attacher à Michèle dans le roman,
et elle est loin d’être plus sympathique dans le film, mais elle a beaucoup
plus de relief.
Bref, si j’avais lu le roman avant, je me serais demandé
quel intérêt Verhoeven pouvait y trouver pour vouloir en faire un film. Mais
maintenant c’est intéressant à lire pour voir justement ce que le cinéaste en a
fait.
Ah et ce n'est pas vraiment un souci mais je me demande
toujours ce qui a fait que l'auteur a voulu combiner toutes ces histoires sans
lien direct entre elles : le viol de Michèle, le père meurtrier, le fils
irresponsable dont le couple est voué à l'échec, ...
Lorsque nous avions rencontré Jean-Marie Vauclin et Daniel
Derval (voir cet article) il y a maintenant plus de deux ans, ils nous parlaient déjà avec
enthousiasme d’un de leurs anciens collaborateurs, rencontré sur le tournage
d’une comédie franchouillarde, et avec qui ils étaient restés amis depuis toutes ces
années.
Il s’agissait d’Alain Nauroy, qui a quelques fois occupé le
poste de réalisateur, mais a surtout été assistant, pour quelques cinéastes
dont les noms parleront aux amateurs de comédies hexagonales : Serge
Korber, Philippe Clair, Hervé Palud, Edouard Molinaro, Robert Thomas, …
Jean-Marie Vauclin nous décrivait Alain comme un
assistant-réalisateur très doué, adoré par les acteurs.
Et quand on parcourt les titres de sa filmographie, cela
fait encore plus rêver : Mon curé chez
les nudistes, Les surdoués de la première compagnie, Brigade mondaine :
Vaudou aux Caraïbes, Charlots connection, Ces flics étranges venus d’ailleurs,
Les Brésiliennes du bois de Boulogne, Rodriguez au pays des merguez, et bien d’autres encore…
Lorsque nous avons enfin rencontré Alain, il a toutefois
voulu modérer nos attentes, en minimisant son rôle : en tant qu’assistant,
il n’était pas impliqué dans le processus créatif des films, et pour certains
tournages il ne garde que des souvenirs sans lien direct avec l’œuvre.
La rencontre a tout de même été très agréable, et ci-dessous
vous trouverez un condensé de notre interview ; j’ai fait à l’écrit le même
travail que j’aurais fait avec un montage vidéo, en rajoutant entre crochets des annotations et précisions. Les rajouts les plus longs sont en orange pour mieux les démarquer des réponses d'Alain.
Ce témoignage peut se voir comme un complément de la vidéo
sur Jean-Marie et Daniel ; il nous parle d’une certaine période du cinéma français,
où la comédie et le film porno ou érotique s’entremêlaient parfois dans la
filmographie d’un même cinéaste, comme ça a été le cas pour Max
Pécas ou Michel Caputo.
Ce témoignage met aussi en lumière les aléas méconnus d’une
carrière dans le 7ème art, portée par le hasard plus que par des
choix, et marquée aussi bien par les occasions manquées que celles qui ont été
saisies.
Alain (en bas à gauche) sur le tournage de Les feux de la chandeleur.
Comment as-tu débuté
dans le cinéma ?
J’ai débuté dans le cinéma par d’abord un désir fou de faire
de la mise en scène. J’étais désireux de faire des films sentimentaux,
romanesques, qui allaient de Géant à Autant en emporte le vent.
Je suis parti pour Paris à 18 ans, et je ne savais pas bien
comment rentrer là-dedans, parce que les gens normaux, ils faisaient l’IDHEC
[l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques], et moi j’avais pas la fibre
des études.
J’avais la chance d’être au service de presse d’un festival
de courts-métrages à Tours, et donc je rencontrais des gens pour faire des
articles dans le magazine quotidien de ce festival. Et c’est comme ça que j’ai
été amené à rencontrer Serge Korber, que d’ailleurs j’ai d’abord pris pour
Claude Chabrol !
Et du coup, je l’ai baratiné d’une manière telle que mon
enthousiasme de cinéphile a séduit Serge Korber et son épouse. Serge
faisait des tas de courts-métrages, et peu à peu, il m’a apporté… enfin, il m’a
supporté ! C’est un grand mot, mais c’est vrai que je ne savais rien !
Alain, à gauche, dans son rôle d'écossais.
Quand est-ce que tu
as débuté en tant qu’assistant-réalisateur ?
La première fois que j’ai été assistant, c’était en 1965, et
c’était un film de Serge Korber, Le
dix-septième ciel, et donc là j’étais deuxième assistant. [Sur
certains tournages, le réalisateur a non seulement un premier assistant
réalisateur, mais aussi un second assistant, placé en-dessous dans la
hiérarchie.]
Mais
surtout j’étais acteur. Et je jouais [un rôle] dans un hôtel dans lequel il n’y
avait aucun client, sauf moi, un écossais, qui disait toujours « It is a
strange country ».
Donc ça c’était mon premier long-métrage ; le vrai film
comme premier premier assistant c’était dans Le distrait, de Pierre Richard.
Parce qu’avec Pierre Richard, on avait fait un
court-métrage, dont je ne me rappelle presque plus l’histoire, mais je me
rappelle le titre : ça s’appelait Une
starlette au haras [jeu de mot sur le nom de l’héroïne d’Autant en emporte le vent, Scarlett
O’Hara].
Et Pierre Richard jouait dans ce film et l’a [co-écrit avec
Bernard Guillou]. J’étais son homme à tout faire, et on avait beaucoup
sympathisé. Et quand il a obtenu le financement de la Gaumont et de [Les
productions de] la Guéville pour faire Le
distrait, il m’a appelé.
Peux-tu expliquer en
quoi consistaient tes tâches en tant qu’assistant ?
Le travail d’assistant, ça a été ma première déception,
parce que je croyais naïvement qu’il s’agissait d’une fonction artistique,
alors que c’était un travail d’organisation. On fait le plan de travail, on
fait les feuilles de service, … ça n’a rien d’artistique.
Alors la seule chose agréable c’est que quelques fois, comme
certains metteurs en scène, comme Philippe Clair, jouaient aussi un rôle dans
leurs propres films, j’étais amené à diriger certaines scènes. Ça, c’était
gratifiant !
Une chose aussi c’est qu’à l’époque, il n’y avait pas de
directeur de casting. Donc l’assistant, souvent, [s’en occupait].
Et moi j’ai fait des castings de films, y compris par
exemple pour le film de Philippe Clair, Comment
se faire réformer ; c’est comme ça que j’ai rencontré d’ailleurs Daniel
Derval.
Mais j’ai une chose dont je suis assez fier : j’ai fait
le casting d’un film de John Frankenheimer, qui s’appelle L’impossible objet, avec Dominique Sanda et Alan Bates. Et
l’histoire était celle d’un peintre surréaliste, et à un moment
donné, il rêvait de tableaux de [Paul] Delvaux qui s’animaient. Et
donc j’ai fait tout le casting [pour les personnages de ces tableaux].
Mais il y a aussi autre chose, c’est que je participais
souvent au choix des costumes des comédiens.
Je peux participer aussi au choix des décors. Par exemple on
tournait le clip de la chanson Mirador
de Johnny Hallyday, et puis en repérant, puisque j’avais trouvé le décor [de la prison], je
dis au metteur en scène, Hervé Palud, « Et si j’étais un
prêtre ? ».
Et c’est comme ça que je suis dans le clip, on me voit
bénissant les prisonniers.
Sur le tournage du clip de Mirador.
Ce n’est pas indiqué
dans ta filmographie, mais tu as aussi été stagiaire sur L’homme orchestre
(1970), toujours de Serge Korber.
C’était mon plus long stage ; parce qu’elle a duré 24
semaines, cette expérience !
Et surtout, ce qui était très rigolo, c’est que mon rôle
consistait à rameuter les danseuses qui étaient au moins 20 et qui
s’éparpillaient aux quatre coins des studios de Billancourt.
Je n’ai jamais couru derrière autant de femmes de toute mon
existence !
Sur le tournage de L'homme orchestre, avec Louis de Funès (Alain est au fond, à droite).
Contrairement à ce
qu’on peut lire sur IMDb, ton premier film en tant que metteur en scène est La villa / Le feu au ventre, sorti en 1975, soit après environ 10 années où tu
étais assistant.
Comment es-tu passé à
la réalisation ?
J’avais écrit un film qui était une adaptation gay de Manon Lescaut, de l’abbé Prévost, sauf
que c’était Manuel Lescaut. Et tout
ça est tombé à la rue, et alors un producteur qui débutait, Jean-Pierre
Sammut, a dit : « Écoute, je peux pas te produire ce film, mais on va
faire un film ensemble, un film érotique. Ça te fera une expérience. »
Et c’est comme ça qu’on a fait La villa. Ça s’est vite fait, j’ai fait écrire le scénario par
Michel Vocoret.
[Vocoret
était un acteur-scénariste-réalisateur lui aussi habitué au film érotique et à
la comédie franchouillarde ; il compte dans sa filmographie des films tels
que Embraye
bidasse… ça fume, A bout de sexe, et Le retour des
bidasses en folie.]
Et puis nous avons tourné [La villa] dans la foulée. C’est mon premier film comme réalisateur et c’était un film
dit "érotique". Sauf qu’on est passés, sans transition, pendant
quelques mois, du cinéma érotique au cinéma pornographique, et que ce film a
été ensuite post-bidouillé, et on y a rajouté, à mon corps défendant, des
scènes pornographiques.
[Car après
l’élection de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, il y a eu en France un
relâchement de la censure, permettant la distribution de films pornographiques.]
Qu’est-ce qui fait
que tu as continué dans cette voie après ce film ?
Mon jeune producteur, Jean-Pierre Sammut, n’a pas réussi
à mettre sur pieds avec moi un autre long-métrage, et du coup j’ai accepté
quelques propositions pornographiques de survie, si je puis dire.
J’ai [réalisé] quelques pornos, mais ça ne me rendait pas
heureux. Dès que j’ai eu une proposition, je me suis retrouvé heureux
de redevenir assistant.
La seule chose curieuse à dire, c’est que tout
pornographique que fut cette période de films, il y a quand même quelques uns
de ces films qui avaient un peu d’ambition, et il y avait des fois de vrais
acteurs.
Dans Lâche-moi les
valseuses, qu’avait écrit pour moi Hervé Palud [le futur réalisateur d’Un indien dans la villeet Mookie], et dans lequel il joue, j’avais réussi quand même à obtenir
comme acteurs Philippe Clair, Roland Blanche [Nikita, Bernie, Les compères, …], Philippe Khorsand [Les compères, Inspecteur La Bavure, …].
[Bien que Lâche-moi
les valseuses soit un film érotique, tous les acteurs mentionnés ci-dessus ne sont pas impliqués dans les scènes de sexe.
Philippe Clair, le
fameux réalisateur de La grande java, Le fürher en folie, et Plus beau que moi, tu meurs, tient un rôle comique de pompiste, dans une
scène qui ressemble à un sketch déconnecté du reste du film.]
Alain Nauroy et Philippe Clair.
Nous, Lâche-moi les
valseuses, on l’a tourné en 12 jours, et Philippe Clair était très
impressionné : « Mais comment vous arrivez à faire un film en 12
jours ? Moi, le dernier, Le
grand fanfaron, j’avais 12 semaines », et il m’a dit :
« Alain, tu vas venir avec nous ». Et il m’a engagé pour faire Comment se faire réformer, et c’est là
qu’a commencé une collaboration et de l’amitié.
On a finalement tourné Comment
se faire réformer, je sais pas, je dirais peut-être en 4 semaines, et ça,
ça l’avait impressionné.
[Comment se faire
réformerfait partie du sous-genre
cinématographique du film de bidasses, un type de comédie populaire en France
dans les années 70-80, tournant autour de l’armée et de soldats souvent
tire-au-flanc, à une époque où le service militaire était encore obligatoire.
Alain en a tourné un
lui-même, Faut s’les faire… ces légionnaires, sorti en 1981. Le film se démarque surtout par quelques gags visuels
à l’esprit très cartoonesque.
C’est par ailleurs sur
ce tournage que se sont croisés pour la première fois Daniel Derval et
Jean-Marie Vauclin, bien qu’ils aient peu de scènes en commun.]
Peux-tu raconter
comment tu en es venu à réaliser ta seule comédie, Faut s’les faire… ces légionnaires ?
Tout le monde en faisait, des bidasseries, et à un moment
donné, après des années où, sur ces bidasseries, j’étais assistant, un
producteur me dit : « Écoute, c’est bien gentil, mais tu vas nous en
faire un toi aussi, un film de bidasses ? ». Alors, d’accord, mais ça
sera pas des bidasses dans une caserne, comme dans tous ces films-là, ça sera à
la Légion !
Et le producteur en question, c’était Jean-Pierre Rawson, il
m’a dit : « Eh bien on va se débrouiller », et en un coup de fil
à Tunis, à Tarak Ben Ammar, qui à l’époque était un producteur qui montait, qui
était aussi en cheville avec Hollywood, il a tout de suite accepté de nous
recevoir.
On s’est retrouvés quelques jours après en Tunisie, et là,
avec la complicité [du scénariste] Victor Beniard, et aussi de Daniel Derval,
qui était du voyage comme acteur, nous avons écrit en quelques semaines le
film, puis nous l’avons tourné.
Et c’est vrai que c’était ma première mise en scène
"officielle", et comique.
Est-ce que tu peux me
parler plus en détail du film ?
Je peux pas en dire grand chose parce que, tu sais, c’était
un film à exécuter tambour battant, parce qu’on avait un petit budget. On
aurait dit que c’était un acte magique, tu sais : on te propose de faire
un film, tu appelles un producteur, qui… à l’époque, Tarak c’était pas
n’importe qui, il préparait Pirates
de Polanski en même temps, et en plus, juste avant que nous arrivions, il
hébergeait le tournage des Aventuriers de
l’arche perdue [en tant que "production coordinator"].
Ce qui fait que quand il est parti, Spielberg, moi le
lendemain j’arrivais, et j’ai hérité de son assistant, Youssef Lakhoua. Et
d’ailleurs on a tourné dans des lieux que Spielberg avait utilisés aussi !
Qu’est-ce qui fait
que tu as arrêté la réalisation, peu après ce film ?
Il y a eu un événement un peu triste, c’est qu’aussitôt
après Les légionnaires, un
producteur, je crois que c’était Jean Luret, me propose de réaliser une
comédie, encore une. Et avec un ami de Daniel Derval, Jacques Gelat [crédité en
tant que "Jacques Paradis"], nous avons écrit une comédie qui
s’appelait Les p’tites têtes ;
malheureusement, pour que le film se fasse, il fallait que le rôle principal
soit interprété par Bernard Menez. Et Bernard Menez a dit « D’accord,
moi je veux bien jouer le rôle principal, mais je veux réaliser ». Donc
j’ai été dépossédé de la réalisation des P’tites
têtes, dont je suis seulement le co-auteur.
Et puis après, je ne voyais plus rien venir, je ne voyais
plus de projets d’écriture, je ne voyais plus de propositions de mise en scène,
je me disais « Je vais pas rester pendant deux ans à ne rien faire », et…
bah, dès que l’assistanat est revenu… après tout, c’est ce que je sais encore
faire le mieux.
Avec Johnny Hallyday sur le tournage de la série David Lansky, réalisée par Hervé Palud.
Si tu devais faire le
bilan de ta carrière, de quoi est-ce que tu es le plus fier ?
Oh, je crois que je suis le plus content d’avoir existé,
d’avoir finalement, comme je le voulais, pu faire du cinéma, et le faire
pendant plus de 60 ans, au moins. Donc finalement, je suis fier de rien, je
suis fier d’avoir duré !
Je continuerai d’aimer le cinéma, mais avec une espèce de
passivité ; je ne vois pas les films nouveaux, je trouve que j’ai
suffisamment de… comme disait Baudelaire – je paraphrase – il disait :
« J’ai plus de livres en moi… », moi je dis : « J’ai plus
de films en moi que si j’avais 1000 ans ». Et j’aime bien citer
Baudelaire, donc ça fait une belle conclusion !
- - - - -
Pour finir, précisons
qu’Alain a pu nous informer qu’une certaine rumeur était fausse : selon
plusieurs sites, dont IMDb et Wikipedia, Igor Aptekman, le scénariste notamment
d’Un Indien dans la ville, serait un
pseudonyme de Jean-Marie Pallardy, le réalisateur du nanar culte White
fire.
Il s’avère en fait
qu’Igor Aptekman n’est pas la même personne ; il existe bel et bien, et il
n’utilise pas de pseudonyme.
Cette interview s’est
faite avec l’aide de Jean-Marie Vauclin, Daniel Derval, et Gabriel Gerbaulet.
J'avais envie de faire une chronique de Land of the dead
parce que j'aime beaucoup ce film et que contrairement à la trilogie de base de
George Romero, celui-ci a très peu été traité. J'ai vu qu'il n'y avait aucune
vidéo française sur le sujet, sur Youtube.
Je me dis que le seul point commun entre toutes mes vidéos
maintenant, que ce soit mes interviews, Cassettes Mercenaires, ou ce genre de
chroniques, c'est que je traite de films dont d'autres ne parlent pas.
Quelques anecdotes supplémentaires par rapport au film, qui sont porteurs de
sens mais n'avaient pas leur place dans la vidéo :
-C'est le premier film de George Romero où quelqu'un dit le
mot "zombies". On l'entendait dans la VF de Dawn of the dead, mais
c'était juste dû à une très mauvaise traduction, qui traduisait ainsi le mot
"dummies" (qui veut dire "idiots").
-Ce mot est prononcé par Kaufman dans la scène où il est face à sa fenêtre et
dit "Zombies, man. They creep me out." (Les zombies, mec. Ils me font
flipper.")
Dans la bande-annonce, on remarque qu'ils ont utilisé une
prise différente de celle du film, car dans le film, il le dit en... se curant
le nez ! Si ça se trouve, c'était une impro de Dennis Hopper, mais je me dis
que ce geste, allié à cette phrase, indique ce qui se cache derrière sa façade
de puissant dirigeant.
-On ne voit jamais Big Daddy manger d'humains. Peut-être pour montrer qu'il
n'attaque les humains que pour défendre les siens. Ceci étant dit, ça reste
uniquement symbolique pour moi, et en dehors de ce que nous montre (ou ne nous
montre pas) le film, c'est un zombie qui doit, lui aussi, s'alimenter.
-Dans le trivia IMDb, on apprend que : « "Fiddler's Green" is a song
about the place where cavalrymen go when they die, located "Halfway down
the trail to Hell", and, in the end, advocates suicide by pistol when
death is certain, and the hostiles are closing in. »
Ça peut faire écho au personnage qui se suicide parce qu'il
a été mordu par un zombie.
-Dans l'interview de Robert Joy, qui joue Charlie, on apprenait qu'il portait
un bonnet troué ; un accessoire qui donnait l'idée qu'il lui manquait quelque
chose, dans la tête. On ne le voit pas dans le film, mais ça indique bien le
niveau de détail et l'attention au symbolisme pour Romero.
-En faisant le montage, je me suis aperçu de choses nouvelles, y compris des
CGI un peu bâclés. Quand on fait exploser les zombies à la fin, il y a un plan
où, juste avant que des corps s'envolent, on les voit apparaître de nulle part,
superposés sur les autres. Il y a même un débris (numérique) qui arrive vers la
caméra... et qui passe derrière un obstacle, alors qu'il est censé être projeté
devant.
-En passant des plans image par image, j'ai aussi remarqué qu'un des zombies
porte un t-shirt "Toecutter" en référence à Mad Max. Ça doit être un
gars des effets spéciaux, puisqu'il me semble que le type qu'il mord au visage
est joué par Greg Nicotero :